Delta

Un film de haute valeur cinématographique et esthétique, mais qui, au-delà de ces considérations formelles, offre un très grand intérêt thématique. La problématique de l’inceste n’y est pas abordée frontalement, mais sert de base pour évoquer de manière réaliste, voire naturaliste, des questions telles que la liberté, le non respect des règles et de la culture d’une communauté repliée sur elle-même, le machisme et la “fonction utilitaire” des femmes, l’impossible intégration d’un étranger (même s’il s’agit d’un “enfant du village” qui revient au pays), etc. Le propos est renforcé par de nombreux symboles (par exemple la pêche miraculeuse, le partage du pain, la marche sur l’eau, la mise à mort du marginal, ...). Un film sombre, d’une grande tension et marqué par la violence du milieu. Elle est perceptible dès le début (relations entre les personnages) même si elle n’éclate vraiment qu’en deuxième partie: meurtre, viol par le beau-père, contrainte par les jeunes du village (on comprend bien qu’avoir brisé le tabou de l’inceste fait de la femme une putain), ... Il faut ajouter à cela la consommation banalisée de l’eau-de-vie. Cela dit, le film n’est pas complaisant et, plus que l’exemplarité négative, il convient d’y voir une exemplarité positive, une “mise en garde” pour celles et ceux qui transgressent les normes sociales. Enfin, le film est lent et contemplatif; il ne conviendra pas aux amateurs d’action et d’images coquines.